Tu étais au travail, tu avais un peu la tête farcie, tu étais crevé, mais tenir ton diner et faire en sorte que la clientèle apprécie ce que tu leur ramènes, c’était plus important que tes pensées actuelles. Cependant, tu regardais par la fenêtre de la cuisine pour voir si Jordan arrivait. Tu avais demandé à la jeune femme de venir pour discuter de June. Quand elle était petite parfois, tu galérais à savoir ce qu’elle voulait et bien t’en occuper, mais maintenant qu’elle est adolescente, c’est presque le chemin du combattant. Tu ne pensais pas que ça se passerait de cette manière quand tu as décidé de la prendre sous ton aile ainsi que de devenir son tuteur légal. En même temps, elle n’a jamais demandé de perdre ses parents à l’âge de cinq ans non plus. Aujourd’hui, tu ne vois pas ta vie sans elle, c’est ta nièce, mais en même temps elle est comme ta fille, une fille que tu n’aurais jamais pensé avoir aussi tôt. Tu as d’ailleurs mis un certain temps à faire le deuil de ta sœur cadette et de ton beau-frère. Ta sœur, c’était tout pour toi, alors savoir que tu n’allais jamais la revoir ça t’a fait un choc. En y repensant, tu te dis qu’heureusement que tes amis, la petite bande dont tu fais partie depuis des lustres, a été présents pour toi. Tu ne sais pas comment tu aurais pu faire sans eux. Ils ont souvent été les confidents de ta nouvelle vie avec June. Tu sais que tu as fait plein d’erreurs, mais t’as surtout l’impression qu’elle est heureuse et c’est tout ce qui compte pour toi. Enfin, l’adolescence ce n’est pas une période facile et tu avais pensé à Jordan parce qu’elle a fait du baby sitting et s’était occupée de June donc pour toi ça paraissait logique. Tu la vois arriver de la fenêtre et tu sors de la cuisine pour aller t’asseoir à une table, il n’y avait pas grand monde à cette heure, juste quelques habitués donc tu pouvais te permettre d’aller te poser quelques minutes avant de reprendre le travail. Quand elle passe la porte, tu lui fais un signe de la main ainsi qu’un sourire et tu hèles son prénom pour qu’elle vienne vers toi. Hey Jordan, par ici !

Tu souriais à Jordan, ça te faisait plaisir qu’elle soit venue, tu avoues que tu étais parfois un peu dans l’impasse, tu ne savais pas toujours quoi faire. Tu culpabilisais un peu, tu te disais que si ta sœur et ton beau-frère étaient encore là, ils auraient pu l’éduquer, même si tu n’avais rien avec le fait de l’élever, au contraire même, c’était dans le testament de ta sœur, mais tu le voulais toi aussi. Tu te disais aussi qu’ils l’auraient peut-être mieux fait que toi, enfin tu les aurais aidés évidemment, mais tu n’étais ni son père ni sa mère, tu étais de la famille, mais pour toi clairement tu te disais que tu ne faisais pas le poids. Et puis, les années ont fait que tu as réussi à gérer même si ça a été vraiment difficile pour toi. Alors maintenant l’adolescence et tu es un peu paumé, tu l’avoues, c’est pour cela que tu faisais appel à Jordan. Après tout, elle s’en était occupée quand elle était plus jeune et elle la connaissait plutôt bien donc était à même de t’aiguiller. Enfin, tu faisais pareil  avec Louise, elle t’aidait beaucoup elle aussi. Tu reviens donc à ce que tu faisais, c’est-à-dire de dire à Jordan de venir jusqu’à toi. Elle s’assoit alors en face de toi et te demande comment tu vas. Tu hausses les épaules, après tout, tout va plutôt bien, mis à part cette impression continuelle de mal faire. Oh, ça va, et toi ? Tu réponds limite du tac au tac avant de lui demander à ton tour comment elle va. Puis en entendant ses mots, tu ne peux t’empêcher de rire un peu. Bien sûr ! Demandes ce que tu veux, c'est la maison qui offre. Bon, en fait, si je t’ai fait venir c’est parce que j’aimerais qu’on discute de June. Je t’avoue que je suis complètement largué surtout maintenant que c’est une ado… En plus, je me dis toujours que ça va aller, mais je repousse vraiment le moment où elle va partir de la maison… Enfin, en ce moment, ce n’est pas qu’elle est incontrôlable, mais c’est surtout que je n’arrive pas du tout à la cerner. J’ai l’impression de prendre vingt ans dans la tête quand je lui propose une activité. Puis, je n’ai pas trop une bonne vision de ce qu’est l’adolescence pour une jeune fille, ça s’est passé différemment pour moi. Tu avais presque tout déballé à Jordan, en fait tu avais peur et tu étais inquiet, tu te demandais aussi ce que tu ferais quand elle partirait de la maison. Clairement, tu n’étais pas pressé et puis en dehors du fait que c’était ta nièce, tu as pris l’habitude d’être juste avec elle-même si parfois avoir une autre personne dans ta vie, te ferait sûrement du bien.